Panorama des fusions-acquisitions dans le recrutement et les RH en France (2018-2025)
MisE à jour : mai 2025Boom des opérations M&A dans les RH
Depuis 2018 et malgré le Covid qui a mis tout le secteur à l’arrêt, le marché français du recrutement et des ressources humaines a accéléré son cycle de consolidation : nous avons identifié près d’une centaine d’opérations en sept ans.
Cabinets de recrutement, plateformes d’intérim digital et sociétés de conseil RH se disputent un terrain historiquement fragmenté. Ce mouvement de consolidation s’explique de plusieurs manières.
- Gain de taille critique afin servir les grands comptes nationaux et internationaux
- Elargissement du portefeuille de services afin de toujours mieux servir ses clients (recrutement permanent, management de transition, conseil RH, marque employeur, etc.)
- Amélioration de la couverture géographique : régionale en France et, de plus en plus, européenne.
A cela s’ajoutent d’autres facteurs :
- Digitalisation : le rachat d’une tech est plus rapide que de la développer en interne. Le rachat de Qapa par Adecco démontre qu’une forte traction techno attire capitaux et acquéreurs
- Pénurie de talents : la pénurie chronique certains secteurs justifie la valeur d’un réseau de candidats, certains groupes consolident pour disposer de bases de talents exclusives
- Appétit des fonds d’investissement : multiples encore raisonnables (8-12x EBITDA) vs. d’autres secteurs comme le software (>15x) et thèse de build-ups régionaux rapides (Menway, Actual, Alixio) afin de constituer des groupes diversifiés de taille significative
Cabinets de recrutement : deals et tendances
Avec plus de 2000 cabinets identifiés en France (source : annuaire des cabinets de recrutement), le terrain de jeu est large. Cependant, les cabinets sont peu propices à un rachat car leur valeur est directement liée aux dirigeants et aux consultants. Ce risque de fuite de valeur s’atténue avec la taille, la structuration de la société, le vivier de candidats, les contrats cadres et également les outils.
Entre 2018 et 2025, une trentaine d‘acquisitions ou prises de participation ont été annoncées, dont une douzaine particulièrement structurantes.
Les industriels (Actual, Menway, EDG, etc.) mènent la consolidation dans une logique de one-stop-shop (intérim, placement, RPO, management de transition), tandis que les fonds prennent surtout des positions minoritaires pour soutenir la croissance et financer des cash-outs.
Management de transition
Le management de transition est passé du statut de niche confidentielle à celui de levier stratégique pour les acteurs du recrutement et les fonds.
Les fonds small & mid-cap (Initiative & Finance, SGCP, Omnes, Andera, Indigo) prennent des participations minoritaires pour financer des build-ups sans trop diluer les équipes dirigeantes.
Les industriels (Menway, Alixio, EIM) rachètent ou fusionnent pour offrir toujours plus de services : recrutement permanent, interim management, conseil.
Les leaders français (Valtus, X-PM, EIM) multiplient les acquisitions transfrontalières (ex. Alium Partners au Royaume-Uni, Magnalia en Suisse) afin d’élargir leur présence et répondre aux appels d’offres globaux.
Conseil RH : les acteurs se renforcent
Entre 2021 et 2025, les sociétés de conseil RH françaises sont devenues les cibles privilégiées des fonds et des industriels. Avec une dizaine de transactions majeures : le conseil RH passe d’un marché d’experts « boutiques » à un marché de plateformes intégrées.
Les industriels (SIA Partners, Magellan, Manpower, Diot Siaci) achètent pour densifier leurs compétences et sécuriser des viviers de consultants qualifiés, du diagnostic social à la mise en œuvre de SIRH.
Deux LBO emblématiques Alixio (Ardian) et HR Path (Andera / SGCP) ont fixé de nouveaux repères de valorisation sur le mid-market. Les multiples élevés s’expliquent par la récurrence des contrats d’externalisation payroll / SIRH et par la demande croissante d’expertise QVT / ESG.
Intérim & intérim digital : la révolution plateforme
Le marché hexagonal de l’intérim connaît depuis cinq ans une vague d’acquisitions portée par trois moteurs structurants :
- Renforcer le maillage territorial : les groupes historiques (Proman, Actual, Randstad, LIP, Domino RH) avalent des réseaux régionaux – CarpeDiem en Occitanie, Alter Ego à La Réunion, Omedo en santé à Toulouse – afin de mieux couvrir les bassins d’emploi. Cette course à la densité d’agences vise un double effet : proximité commerciale et capacité à déployer rapidement des intérimaires dans des zones pénuriques.
- Racheter des portefeuilles candidats / clients : chaque opération apporte instantanément un vivier qualifié de travailleurs temporaires et un carnet de commandes (PME industrielles, hôpitaux, BTP, etc.). Le rachat de Médical 77 & 2ME par Actual illustre cette logique : l’acquéreur sécurise 30 ans de relations dans le médical francilien, un segment où la pénurie de soignants fait grimper la valeur de chaque profil.
- Accélérer sur la tech & la data : Qapa (repris par Adecco pour 65 M€) et Iziwork (repris par Proman à la barre du TC) montrent montré que la bataille se joue désormais sur l’algorithme de matching, l’UX mobile et la profondeur de la base candidats. Les plateformes digitales apportent une acquisition client quasi self-service et des coûts d’intermédiation 30 à 40% plus faibles qu’une agence classique. Acheteurs et fonds n’hésitent plus à payer pour capturer cet avantage compétitif avant qu’il ne soit “commoditisé”.
Collectifs de recruteurs indépendants
Nés pour la plupart après 2020, les collectifs de recruteurs freelances en sont encore au stade d’amorçage. Il n’y a aucune acquisition structurante entre acteurs à ce jour.
Les opérations recensées se limitent à des levées de fonds seed ou série A, destinées à financer la plateforme, l’onboarding de recruteurs et le marketing.
Leur profil reste toutefois attractif : modèle asset-light et contracyclique, frais fixes faibles, revenus récurrents via abonnement et / ou commissions. C’est précisément ce cocktail qui a poussé certains investisseurs à parier, parfois un peu vite, sur une trajectoire comparable à celle des réseaux de mandataires immobiliers (IAD, SAFTI, etc.).
Pour l’instant, la réalité est plus prudente : pas encore de consolidation, pas de rentabilité démontrée à grande échelle, et un marché qui devra confirmer sa capacité à scaler d’ici 2026-2027.