Candidat ou employeur : qui détient le pouvoir du recrutement aujourd’hui ?
Les talents d’Achil : Florian BénisFaut-il voir le recrutement comme une rencontre, ou bien, une lutte des pouvoirs ? Le ton est donné. À chaque contexte sa vérité. Cet article vise justement à questionner et à analyser les mouvements du marché et les glissements subtils du rapport de force entre candidats et employeurs.
Hier, les candidats fixaient leurs conditions. En 2025, les entreprises semblent reprendre la main.
Du moins, selon certains indicateurs et le témoignage de Florian Bénis, recruteur indépendant, membre du collectif Achil et spécialiste du secteur audit, expertise-comptable et paie, dit “AEC”.
Un terrain d’observation idéal d’un marché où les équilibres bougent vite.
Alors, le pouvoir dans le recrutement est-il si simple à attribuer ?
Est-il vraiment symétrique ? Ou cyclique ?
Qui recrute qui ?
Zoom sur les dynamiques d’emploi et les modes de travail nés du post-Covid, et sur la façon dont ils redessinent, encore aujourd’hui, le rapport de force entre candidats et employeurs.
Un marché qui se resserre, un rapport de force qui s’inverse
Télétravail, grande démission, quête de sens… Derrière ces différents phénomènes post-COVID, le rapport au travail a évolué.
Les candidats sont devenus les “rois” du recrutement. Mais en 2025, ce règne est en train de vaciller.
En effet, le rapport bascule dans de nombreux secteurs et celui de l’AEC n’est pas épargné. Pour comprendre, il faut d’abord observer l’état du paysage de l’emploi.
Florian note une baisse du volume des embauches, liée – de son point de vue – à 2 causes majeures :
- Des budgets plus limités, puisque les cabinets d’expertise-comptable disposent de moins de marge pour externaliser leurs recrutements.
- Une internalisation intensifiée, avec plus de mobilité interne, plus de formation, et de fait, une réduction de nouveaux postes ouverts.
Florian : “Les cabinets d’expertise-comptable ont des moyens plus restreints pour recruter cette année. Ils rationalisent donc leurs dépenses RH.”
À cela s’ajoute un frein au télétravail, avec un retour au présentiel. Un point qui affecte bien d’autres environnements par ailleurs, notamment des grands groupes comme la Société Générale, Ubisoft, Free, ou encore Stellantis, également en recul.
Conséquence directe : les professionnels veulent désormais se rapprocher de leur domicile, privilégiant au passage, cette stabilité à la rémunération. Un constat qui fait sens, d’autant plus quand on lit Le Parisien qui titre que, “des millions de Français vivent leur trajet domicile-travail comme une épreuve quotidienne”.
Un enchaînement ou véritable effet domino :
Recul du télétravail → retours des candidats sur le marché → pouvoir de sélection renforcé pour les employeurs.
Florian : “Le recul du télétravail pousse les candidats à considérer un job plus près de chez eux. C’est logique. Forcément, ça augmente le nombre de profils en recherche active. Particulièrement sur la région Île-de-France. L’abondance de talents, mêlée à la concurrence exacerbée, amène les entreprises à reprendre l’avantage.”
Un renversement accéléré au cours des 6 derniers mois.
Candidats, employeurs : leurs nouvelles règles du pouvoir en 2025
Côté candidats
L’évolution ne touche pas qu’un type de poste : des gestionnaires de paie aux chefs de mission que Florian recrute, tous réévaluent leurs priorités.
Le nouveau critère dominant ? La proximité géographique et l’équilibre vie pro / vie perso. Une tendance évidente dès 2024 à la lecture du baromètre IFOP x Alphabet France : 70 % des actifs affirment que le niveau de pénibilité du trajet domicile-travail pèse dans leur décision de postuler.
Tous les métiers et toutes les échelles sont traversés d’après Florian. Au point que beaucoup acceptent même de perdre en salaire afin de gagner en qualité de vie. Un virage qui traduit un changement culturel profond. Encore une volte-face du rapport au travail, qui n’en finit pas de se réinventer.
La Qualité de Vie et des Conditions de Travail est plus que jamais un sujet, un argument pour recruter, comme le confirmait déjà Sophie Caruelle, autre membre d’Achil dans cet article.
Côté employeurs
Les entreprises, elles, cessent de surenchérir.
Moins de concessions sur les salaires, moins de flexibilité sur le télétravail.
Mais, bonne nouvelle : plus d’attention portée à l’intégration et aux soft skills.
Pour les clients de Florian, mieux vaut un profil un peu moins expérimenté et bien intégré qu’un expert technique difficile à manager. La capacité à créer du lien et à durer, compte plus que tout.
Florian : “Je remarque que le critère de localisation, aux yeux des employeurs, est plus durable que la rémunération. Il rassure. Car un candidat ancré géographiquement sera a priori plus stable sur le long terme.”
Pour que la force repasse du côté des recruteurs
Ce transfert du rapport de force n’est pas sans conséquence pour Florian.
Il doit adapter ses méthodes dans le but de maintenir l’équilibre entre les 2 camps et de conserver, lui aussi, une part de pouvoir :
Réactivité accrue.
C’est une règle d’or. Il contacte rapidement les candidats par mail, doublé d’un SMS. L’objectif est de ne pas perdre de temps face au marché mouvant. Le timing fait souvent la différence, surtout quand il s’agit d’un profil qui matche.
Valorisation de la QVCT.
Les annonces de Florian mettent davantage en lumière le management bienveillant, la flexibilité horaire, ou la confiance au quotidien. Ce sont dorénavant des arguments centraux, tout autant, voire bien avant la rémunération.
Comptes rendus enrichis.
Ses comptes rendus d’entretien prennent une tournure plus axée sur les motivations des candidats, leur personnalité, leurs valeurs et leurs attentes. Place à plus d’éléments qualitatifs.
Évaluation culturelle approfondie.
Florian s’assure, de manière inconditionnelle, de l’adéquation entre le profil et la culture du cabinet. Le fit culturel a pris de l’essor. Un bon fit humain vaut plus qu’un CV parfait.
Médiation entre lenteur et impatience.
Il est indispensable de fluidifier les échanges pour composer avec les employeurs plus sélectifs, plus exigeants, et les candidats toujours aussi volatils. C’est comme gérer un double tempo.
Florian : “Mon rôle, c’est d’éviter que le décalage ne fasse rater une belle rencontre. Et donc de tout faire afin de ne pas rallonger les étapes du recrutement.”
Et si le rapport de force n’était qu’une histoire qui se répète ?
Florian en est convaincu. La bascule observée en 2025 illustre un point essentiel : le rapport de force est cyclique.
Il dépend de nombreux facteurs, tels que la zone géographique, le secteur d’activité, ou même, le contexte économique.
En parallèle, un principe demeure. La réussite d’un recrutement ne se mesure pas au pouvoir détenu, mais à la qualité du processus. A l’accompagnement.
Et c’est là que tout se joue. Le véritable enjeu, ce n’est pas de s’emparer du pouvoir, mais de préserver l’équilibre.
Et pour des recruteurs comme Florian, cet équilibre repose sur une constante : l’humain, encore et toujours.